par Rachel CastagnetNotre handicap qu’il est presque de l’ordre de l’invisible. Dans mon cas particulier, la machine n’est présente qu'exclusivement en soirée dans les secrets de la nuit, alors que l’intérêt du monde se détourne dans les bras de morphée. Le reste de la journée ressemble presque à celle de madame tout le monde. Si ce n’est la fatigue occasionnelle ou l’apparition soudaine de quelques maux de tête, oui mes journées paraissent normales et elles le sont.
Le matin je me réveille et bois mon café, j’embrasse mon amoureux, part pour le travail, je converse avec mes amis et tous les soirs j’appelle mes parents… La difficulté de la compréhension de l’étendue de la maladie réside dans la banalité apparente de nos vies. Je n’ai compris que très tard la nécessité de l’Homme a mettre ses pairs dans des cases. Il a donc toujours été difficile de m’identifier en tant que personne atteinte d’un handicap lorsque cette case ne semblait pas vouloir de moi et voilà en quelques lignes comment j’ai commencé à nier ma propre réalité. Comme toute adolescente, j’ai eu ce désir profond de reconnaissance et d’appartenance. Ce désir n’a rien de dérangeant en principe puisque c’est l’ouvrage final de la société que de nous apprendre à coexister. Toujours est-il que ce désir semblait toujours en décalage avec ma perception de ce qu’était la vie. Je sais aujourd’hui que, comme beaucoup d'enfants malades, il se forme une dichotomie entre la maturité nécessaire à notre survie physique et psychique et l’innocence de l’enfance. Cette dichotomie s’est ancrée en moi inconsciemment. Pour revenir à mon adolescence, il faut comprendre que ce désir d’appartenance était une source de souffrance plus qu’un processus “normal”. La volonté d’identification à la normalité nie toute particularité qui sortirait des rails prédéfinis, du moule conceptuel de l’adolescence. Mon handicap m’avait conditionné pour être différente et j’avais constamment l’impression d’être à côté de la plaque. Connaissez-vous l’expression “fake it, till you make it”? C’est ce que j’ai fait pendant une grande partie de mon début de vie d’adulte, quitte à nier mes impossibilités physiques, à mettre sous le tapis mon besoin de me ventiler, à refuser toutes les aides qui m'étaient dû. Alors, j’ai en effet réussi à tromper mon monde, à mener tout de front, à réaliser des choses que l’on pourrait penser m’être naturellement refusées. Mais à quel prix ? C’était une période de grande souffrance car j’avais un tel désir de me fondre dans la masse, que j’en ai oublié de prendre soin de moi, de ma santé physique et de ma santé mentale. J’ai coupé les liens avec mon enfant intérieur, je l’ai refusé, je l’ai nié. Mon enfant intérieur était caché dans sa chambre, incapable d’en sortir, enfermé à double tour par mon désir de ressembler à tout le monde. J’ai voulu oublier et me persuader que “tout était possible”, à l’américaine, sans accepter cette part de moi, qui me constitue, qui a aussi modelé ma manière de voir le monde. Je ne me sentais pas entière. Très récemment j’ai décidé d’en parler, de l’accepter, de me confier et j’ai rouvert la porte de cette chambre et j’ai tendu la main à cet enfant qui attendait depuis longtemps. Je l’ai remercié de m’avoir permis de survivre. Aujourd’hui, après tant d'années, je me suis permise d’être plus vulnérable et étrangement, mes proches me le rendent bien et le sont en retour. J’ai réussi à créer des relations plus sensibles et plus réelles depuis que je m’accepte dans ma totalité, dans ma réalité. C’était un long chemin et, en même temps - je l’espère - ce n’est que le début. |
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